Le prix de l’immortalité

Les grecs, dans l’antiquité ont concocté des histoires que nous appelons mythes et qui expliquent aux êtres humains les secrets des dieux.  Ces secrets nous révèlent de manière symbolique les difficultés que vit notre âme.  Dans ces mythes il y en plusieurs qui traitent de l’immortalité par exemple celui de la fille de Perséphone enlevée à sa mère qui renait chaque année.  Il y a aussi celui d’Achille, que je vous raconte maintenant.

La maman  d’Achille, dont j’ai oublié le nom aimait infiniment son fils et voulait pour lui l’immortalité.  Elle savait que son prix était cruellement haut mais elle trouvait que rien ne pouvait égaler l’immortalité.  Il est vrai qu’à cette époque les héros tombaient comme des mouches sous l’oeil indifférent des dieux ou des rois.   Cette maman déterminée  prit son courage à deux mains et saisit son nouveau né par le talon et le plongea dans le feu ardent des enfers, elle le tint ainsi jusqu’à  ce que le feu l’embrase complètement et que las de le lécher le feu s’éloigne.  C’était le prix demandé et elle paya, ses bras dans les flammes, son coeur déchiré et sa tendresse de mère changée en culpabilité.  Voyez, même dans l’antiquité, les mères n’ont jamais le beau rôle.  Elles doivent assumer. Enfin, son fils émergeant des flammes, elle constata qu’il était immortel.  Ils se reposèrent tous les deux jusqu’à ce que cet immortel fut tué quand même visé au talon qui n’était pas passé par le feu, mais c’est une autre histoire.

Les mythes sont des histoires vraies qui s’adressent aux humains dans les périodes les plus difficiles de leurs vies.  Les mythes viennent nous expliquer ce que la vie veut nous faire voir.  En fait le sens caché des événements, celui destiné à  nos âmes et qu’autrement nous ne saurions envisager.

Ce que j’arrive à  comprendre c’est que dans la vie que nous vivons, notre Mère veut pour nous le bien suprême, l’immortalité.  Contre son gré et pour notre bien elle nous plonge dans le feu qui nous dévore.  Mais c’est pour un temps seulement.  Notre Mère divine fait ce sacrifice pour nous qui  ne pourrions peut-être pas y consentir consciemment. Les flammes qui nous brûlent nous purifient et confèrent à nos âmes  l’immortalité.

Ma mère en pleine lumière et dans tous ses états

C’est dimanche, je revois un vieux film, une comédie musicale où des danseurs tournent et tournent sur une musique qui accompagne la trame de l’intrigue; mon esprit s’échappe un instant, dans un bruissement, ma mère m’est révélée dans toute sa splendeur.

Ma mère est une artiste une comédienne et une danseuse infatiguable, un véritable caméléon qui a cahngé de visage et de personnage à tous les âge de sa vie et de notre propre vie à nous ses enfants. La grand-mère qu’elle a été n’a rien à vpir avec la mère de notre enfance, le leadership qu’elle a exercé dans son âge d’or nous as surpris tout autant que son bénévolat exercé jusqu’aux dernier jours de sa vie.

Ma mère est une femme exceptionnelle, une femme moderne avant la modernité, une fine psychologue alors que cette science n’est pas accessible et répendue, une femme à la mode et qui s’habille jeune et qui se trouve belle et aime qu’on lui dise.

Il fait trop beau

Ce matin les diamants dansent sur le lac et le  vent dans le grand pin balance la branche parasol qui abrite mes parties de Scrabble.  Je ne sais pas encore de quoi ma journée sera faite, le chevalet est toujours caché derrière la porte de la chambre et les couleurs dorment dans le fond du sac.  J’attends comme je l’ai déjà expliqué l’espace mental nécessaire pour entreprendre une peinture car peindre c’est une entreprise de longue haleine.  Le projet fait tranquillement son chemin, les fleurs à peindre commencent à m’ensorceler et si j’ouvrais mon livre je crois bien que je ne résisterais pas.

Durant ma marche j’ai pu constater que les grands vents ont obligé des bernaches à  camper dans des champs de la vallée.  Elles ont pour l’occasion chassé les corneilles qui bien sûr ont protesté et protestent encore j’en suis persuadée.  Les marguerites  fleurissent les champs qui il y a quelques jours affichaient des pissenlits.  Sur le bord de la route, les fraises sucrées sont sorties et se laissent cueillir.  Bientôt, les petites fleurs oranges vont occuper tout le paysage et ainsi la nature va renouveler son visage.  Des fois je marche sans regarder, parfois je pense qu’il ne se passe rien dans ma vie.  Il me faut me rendre à l’évidence, autour de moi tout bouge tout change, je dois tout juste ouvrir les yeux.  Regarder avec un oeil neuf.

Conte de Noël

Légende urbaine

Deux grands yeux profonds, des cernes lui dévorant le visage, une maigreur épouvantable. C’est ainsi qu’elle m’apparût la première fois. Elle avait les mains rougies par le froid et dans la file qui attendait l’ouverture de la cantine, elle se balançait d’une jambe à l’autre. Comme tous les autres, elle avait faim et l’assiette qu’on lui servirait serait sans doute son seul vrai repas de la journée. On ne pouvait pas dire qu’elle était jolie. Son linge lui moulait le corps et pour plusieurs, elle représentait la fugueuse qui pour survivre se prostituait. Je fis comme je fais pour tout le monde, je lui souris et lui dis bonjour.

Comme les autres, elle ne me voyait pas mais cela n’avait aucune importance, je n’étais pas là pour nouer des relations mais juste pour servir de la soupe et une assiette chaude. Une fois assis à leur table, la plupart en dégelant commençaient à se détendre et à s’intéresser un peu à ce qui se passait autour d’eux. A la chaleur, devant un repas, l’humanité revenait.

Cela se sentait dans le fait qu’il n’y avait plus de bousculade et que certains parlaient. Avec son plateau elle se déplaçait vers une table, je m’aperçus qu’elle était enceinte. Sa grossesse était avancée, au jugé, au huitième mois. Je me suis demandée comment il se faisait qu’elle soit encore dans la rue et ce qu’elle faisait là. La rue n’est pas pour les enfants et pourtant, ils sont bien nombreux à s’y retrouver. De mon poste, en servant les dîners, je suis toujours surprise de les voir s’agglutiner devant la porte pour être les premiers à se faufiler dans la salle. En préparant leur soupe je m’effraie moi-même de les voir de plus en plus jeunes, de plus en plus malheureux. Ils sont bien souffrants et souvent, si je n’avais pas appris à les connaître, ils me feraient peur avec leurs tatouages, leurs nez, oreilles, sourcils et bouches percés et décorés de ces horreurs dont ils se parent. Elle était nouvelle à la soupe, elle se mit à l’écart, solitaire. Elle avait pris un sac qu’elle remplit avec la pomme et le muffin pour emporter que l’on permettait de prendre pour après. J’ai eu le goût de lui offrir de venir se chercher une paire de bas ou un gilet peut-être un manteau plus chaud mais je n’en fis rien. J’avais depuis longtemps perdu l’attitude condescendante et paternaliste qui était mienne lorsque j’étais arrivée au centre comme bénévole. A ce moment-là, je croyais que l’on pouvait vraiment aider les autres jeunes et vieux, les aider contre leur gré s’il le fallait.

Depuis le temps que je coupais les carottes pour la soupe, depuis le temps que je servais cette même soupe avec un sourire et un bonjour rarement rendu, mes illusions sur le service que je pouvais rendre et la misère que nous étions en mesure de soulager avaient fondus comme neige au soleil. Chaque jour que le bon Dieu faisait, de nouveaux oubliés et de nouveaux pauvres de plus en plus jeunes venaient frapper à nos portes.

Souvent, les jours où je me prenais pour Dieu, je finissais par croire que tout cela n’avait pas de fin. Mais pour cette petite, qui , maintenant venait chaque jour et à qui je refilais une orange ou une pomme il me semblait que cette situation n’avait pas de sens. Je ne pouvais pas accepter de la voir ainsi, les mains gelées, pas de foulard même si on lui en avait donné un, avec ses espadrilles au lieu de bottes, la cigarette au bec et ces horribles bijoux qui la défiguraient. Plus sa grossesse se développait plus elle maigrissait, au point que l’on ne voyait plus que son bedon énorme difforme. Curieusement, dans la cantine, cette grossesse avait fini par symboliser l’espoir, en dépit de toute raison, la plupart des sans abri à qui nous servions un repas attendaient cet enfant à naître. Sauvage, la petite ne laissait personne s’apitoyer sur son sort. Je crois que contre toute attente, certains retrouvaient un semblant d’humanité. C’est comme si, subitement, plusieurs acceptaient de prendre soin à nouveau, acceptaient la projection et une forme de foi pas dans l’avenir mais juste dans demain. Les échanges étaient moins agressifs, on lui réservait souvent la meilleure place, celle le plus loin de la porte, en dehors des courants d’air. On la faisait passer dans la file d’attente et elle rentrait la première. Les regards étaient moins durs, j’en surprenais qui lui disaient un mot. Je crois que tous, subitement redécouvraient qu’ils étaient plus que leur misère, plus que leurs frustrations plus que la somme de leur malchance. Et puis on ne la revit plus. Notre petite ne revint pas. Il faisait froid à pierre fendre, on était tous inquiets. Le miracle s’était bien produit, un enfant avait changé nos cœurs. Quelqu’un quelque part a raconté que notre petite avait été ramassée par la police et qu’elle avait été amenée à l’hôpital. Dehors en ces jours de fin décembre nous respirions mieux, elle était au chaud avec le petit, le miracle.

C’était Noël. Et j’ai remercié le ciel qu’elle ne soit pas morte dans ces immondes piqueries, victime d’une overdose de misère, son petit cœur vraiment en manque. Et si les enfants, tous les enfants, comme il y a deux mille ans, étaient là juste pour attendrir nos cœurs de pierre. Et si, pour nous qui ne sommes pas encore et totalement humains, la souffrance des enfants n’existait que pour que nous parvenions à l’humanité. ‘J’avais froid et j’avais faim, tu t’es penché sur moi et tu m’as souri et j’ai senti que j’étais aimé’. Jamais plus je ne serai pareil. VOILÀ LE MIRACLE!

Quand c’est gratis…

Je pointe le nez dans la cour ou je me présente à la porte et j’entends Mamie Mamie et je vois les petits visages qui s’illuminent et les yeux qui s’allument et le beau sourire qui apparaît.  Je sais que j’ai fait le bonheur de mes petites, pour un instant et quel instant.  Un instant qui touche à l’éternité car il est suspendu dans le temps.  C’est un instant qui est un cadeau pour moi et qui m’est donné avec tout l’amour du monde.  Je serre mes petites dans mes bras, leur donne de grosses bises.  Puis le miracle cesse et elles courent déjà retrouver leurs jeux avec lesquels elles seront entièrement présentes, complètement.

Magie de l’enfance qui ne se passe que dans l’instant présent.  Magie de l’enfance qui sait parfaitement comment vivre et être heureux mais qui ne sait pas qu’elle le sait.  Grosses bises à vous tous  avec mon âme qui vient de me rappeler que j’aime, et que des fois c’est si facile. Juste le bonheur.